Cela fait un petit moment que je n’ai pas mis à jour le blog. C’était parce que l’inspiration rédactionnelle m’a terriblement manqué. L’île de Java, selon moi, n’est pas une terre promise pour le voyage à vélo, ni pour l’écriture. Le voyage à vélo, malgré tous les avantages que cela procure, n’est pas toujours tout rose.

Heureusement qu’on a pu noyer notre chagrin dans la nourriture. Faute de grives, on mange des merles: on plongeait nos chagrins dans les cocktails quand on était encore à la maison. Un sentiment d’anéantissement nous a envahi tout au long de notre voyage sur l’île de Java. Vous comprendrez pourquoi à la lecture de cet article qui risque d’être assez long.

Notre plan initial

Pour tout avouer, on a espéré faire la java au sens figuré du terme. Après un mois et demi de récupération et de repos à Danang, on a repris des forces afin de mieux repartir en selle. Comme vous le savez, l’Indonésie est un très vaste pays qui est composé de millier d’îles et d’archipels. Une des questions préoccupantes est de décider sur quelles îles mettre nos pieds et nos vélos. Après moult réflexions, nous avons fini par choisir l’île de Java et sa voisine Bali. 

Pour ceux qui n’ont pas envie de consulter Wikipedia en vue de connaître un peu les bases géographiques et démographiques de l’île, je vous les présente ici en deux mots. Avec une superficie cinq fois plus petite que la France, l’île de Java compte deux fois plus d’habitants. Lors de la préparation du voyage, on savait que Java est surpeuplée mais la réalité est encore plus frappante ! 

On a planifié de prendre l’avion en provenance de Danang à destination de Jakarta, la capitale de l’île ainsi que de l’Indonésie. Et puis, nous allons traverser l’île de l’Ouest à l’Est en passant à la fois par la côte dans un premier temps et retournant à l’intérieur des terres puis terminer au ferry qui nous mène ensuite à Bali. L’île de Java est horizontalement très large. La traversée de l’île selon notre planification devrait avoir une distance d’environ de 1 500 kilomètres. Néanmoins, les choses ne se passent pas toujours comme on veut. Finalement, on a pédalé 450 km en puisant nos forces physiques et notamment mentales. Le reste du temps, nous nous trouvions dans les bus avec nos vélos. Ce n’était pas génial, loin de là, mais on n’avait qu’une seule envie: quitter l’île le plus tôt possible.

La transformation de l'excitation du début

Nos jambes étaient prêtes pour sillonner les routes javanaises qui s’annonçaient difficiles par moments. Le vol nous a stressé de peur qu’il y ait des problèmes avec l’enregistrement des vélos. Le vol s’est bien passé, les vélos étaient bien protégés. Nous voilà arrivés à Jakarta sains et saufs. La priorité était de trouver un distributeur de billet ainsi qu’un van ou un véhicule pouvant transporter les vélos. 

Un monsieur nous a proposé le transfert de l’aéroport à notre hôtel pour 400 000 roupies (~24 euros), ce qui était plus élevé que la moyenne mais avec les vélos les choses devenaient plus compliqué. On a entendu parler du trafic catastrophe à la capitale indonésienne, maintenant on l’a vécu. Au bout de quelques kilomètres, on a fini en queue de poisson. Les derniers kilomètres étaient les plus longs et pénibles. Notre hôtel se trouve dans une petite ruelle (d’accord c’est du pléonasme mais c’est pour vous dire que c’est vraiment petit !). On était seulement à quelques mètres de l’hôtel, si proche et pourtant si loin. Dans cette ruelle se trouvent toutes sortes de véhicules motorisés…

Je ne suis rarement fatiguée après des vols mais cette fois ci j’étais épuisée. La chambre d’hôtel était propre mais une vraie cellule par manque de fenêtre. On y est restés trois jours afin de se reposer et de remonter les vélos tranquillement. Sinon, aucune visite n’a été planifiée dans cette capitale de peu d’intérêt. D’autant plus que le trafic incessant accompagné de la chaleur ne nous a donné aucune envie de sortir loin de l’hôtel. 

Une autre petite anecdote: on a eu ce qu’on appelait le « choc culturel » car je vous avoue que se réveiller à 4h du matin suite à des prières n’était pas très agréable. 

L’excitation du début s’estompe laissant la place à un sentiment mitigé difficilement défini lors de nos premiers jours sur le sol javanais. J’étais enrhumée les jours suivants: le nez coulait à flots, les yeux pleuraient, la gorge grattait, etc, un rhume quoi. Il n’y aurait rien à dire si ce foutu rhume ne durait pas presque un mois ! C’était la première fois que je me sentais pas très bien après avoir quitté la France. N’était-ce à cause du froid dans l’avion ou de la pollution ? On pense trouver la réponse après un mois sur l’île ! 

 

Une pollution d'enfer et un trafic incessant

Vu le fleuve du trafic, on n’avait pas trop envie de prendre nos vélos. Pourtant, il fallait bien quitter Jakarta pour Bogor, ville se trouvant à 55 km de la capitale. La sortie de la ville, ou plutôt la continuation vers une autre ville s’est faite dans le bruit des moteurs et les vagues d’odeurs nauséabondes des pots d’échappement. On a eu l’impression que Jakarta s’étendait jusqu’à la porte de Bogor. 

Les jours passent, on s’est demandés pourquoi partir si loin pour se retrouver coincés dans les rues de l’autre bout du monde. On a voulu éviter le trafic d’enfer de la région parisienne, nous voici en subit un autre qui est aussi pénible, voire beaucoup plus. Je vous assure que très souvent on ne pouvait même pas avancer avec nos pauvres vélos. Car une sorte de petits bus locaux s’arrêtent tous les 20 mètres et repartent sans aucune signalisation. On devait virevolter afin d’avoir l’impression d’avancer un peu. 

Comme dit le vieux dicton, l’espoir fait vivre. Du coup, on a espéré au fond de nous que ce soit moins dense et moins catastrophe les jours qui suivaient. Toutefois, le dicton n’était pas très vrai dans notre cas. Plus on avançait, plus les scooters et les camions nous suivaient. Nous avons trouvé d’un temps à autre quelques petits tronçons évitant les grandes routes, mais la différence de la circulation restait non significative. Le désespoir nous a empiété gravement au fur et à mesure. 

Mon tour de cou et de visage était particulièrement utile ces derniers jours et j’en étais tellement reconnaissante. Sans cet petit accessoire, je ne sais pas comment seraient mon nez et mon système respiratoire. Imaginez cette population qui se met toute aux scooters et aux voitures, on n’est pas sorti de l’auberge ! En plus, quand tous ces véhicules se croisent aux intersections sans feu, cela devient ingérable. 

Quel que soit l’endroit, cité ou village, on sentait ces relents venant des canaux remplis de déchets ou des égouts mal isolés. Nos odorats demandaient grâce. L’endroit le moins puant doit être probablement les toilettes. On s’est préparé mentalement mais n’a jamais imaginé que ce soit à tel point. 

Rien à voir avec la pollution mais il est nécessaire de le mentionner. La plupart de routes sont très mal faites car on ne peut pas faire demi-tour comme on veut. La saturation du trafic et la construction de telle manière ont créé un nouveau métier qu’on a découvert pour la première fois depuis quand on est en Asie: les empêcheurs de véhicules. C’est-à-dire que ces personnes aident notamment les automobilistes à faire demi-tour en contrepartie d’un billet. 

 

Chaque véhicule cherche sa place même sur l'accotement
Pourquoi partir si loin pour se retrouver coincé ici

Le statut de la femme

On peut imaginer que les Javanais ne voient pas trop de touristes étrangers dans certains endroits. Tout au long de nos trajets on entendait souvent les « hello Mistairrrr » ou « Hey Mistairrrr » avec une voix joyeuse. Sauf que ce petit détail m’a tout de suite mise mal à l’aise. Alors pourquoi seulement Mister ? La « miss » n’existe-elle pas ? Je dois avouer que ce sentiment d’exclusion est très déplaisant. 

Ce détail m’a fait beaucoup réfléchir malgré moi. Par conséquent, j’ai fini par ne plus répondre « hello » quand j’ai entendu « hello mister ». Ne peut-on pas dire juste « hello »? 

D’autres détails continuent à me gêner au cours de notre séjour qui m’ont rendue de plus en plus mal à l’aise. Au moment de règlement après les repas, j’ai donné de l’argent à la personne (souvent l’homme). Elle a pris l’argent puis s’est tournée vers Jérôme pour le remercier comme si je n’existais pas. Ce n’est pas fini, les gens sont apparemment curieux de mon origine. Toutefois, ils préfèrent demander à Jérôme que de m’adresser la parole. Un jour dans un café désertique à Yogyakarta, un monsieur a juste dit bonjour à Jérôme en le serrant la main puis lui a demandé de prendre en photo ensemble. Evidemment, je n’existais pas. J’avoue que ce n’était pas très fin et délicat comme comportement ! Peut-être se sentent-ils gênés vis-à-vis des femmes mariées. Dieu seul le sait ! 

En tout cas, je me pose la question sur le statut de la gente féminine dans la société indonésienne. 

 

La sympathie versus l'hypocrisie

Le sourire est assez présent chez les Indonésiens. Seulement on ne sait pas exactement ce qui se cache réellement derrière ses sourires. Peu importe, on préfère tout de même le sourire que la tête, évidemment. 

Alors, les gens commencent souvent à parler l’indonésien avec moi au début. Après avoir vu ma tête d’imbécile, ils ont fini par comprendre que je ne suis pas une de leurs compatriotes. Malgré le niveau d’anglais pas très élevé, certains ont très envie de mener une discussion qui n’est pas très développée certes. Ci-dessous un exemple: 

– Where from ? 

– France 

– Ah Peranci, ok champion football, Mbappe

– (Heureusement qu’il y a encore le foot !) 

– Where you go ? 

On a déjà eu ce genre de discussion dans d’autres pays mais pas aussi redondant et répétitif comme ici en Indonésie. Au bout d’un moment, cela est devenu hyper lassant car on savait auparavant toutes les questions auxquelles on a eu droit. Malheureusement pour eux que le foot est loin d’être notre sujet de prédilection donc la conversation ne va pas très loin. En revanche, cela m’a fait assez rire car je me disais que Mbappe a détrôné Zidane qui a existé presque une décennie. 

Nonobstant ces histoires, on a rencontré des gens sympathiques avec qui les conversations étaient beaucoup plus constructives et intéressantes. Parmi ces personnes, on peut citer cette famille qui nous a généreusement offert le thé et café, ou encore un cycliste qui nous a invité à déjeuner. Ces moments positifs nous ont un peu réconforté durant notre séjour javanais. 

L’envers du décor existe parallèlement. L’histoire a commencé lorsque  l’on est arrivés à Probolinggo, la porte d’entrée de ceux qui souhaitent se rendre au site volcanique le plus visité de l’île, le fameux mont Bromo. Ici on s’est fait bien avoir par une agence de transport. Nous qui voulions laisser nos vélos à Probolinggo et aller au mont Bromo en bus. 

On s’est retrouvés dans une agence de transport (ou pseudo-agence) où le gérant nous avait accueillis avec le sourire. Il a réussi à nous vendre les tickets de bus pour le transfert au mont Bromo (plus précisément au village Cemoro Lawang) pour 100 000 roupies par personne. Et puis, il a continué la sympathie (ou plutôt l’hypocrisie) en nous demandant quelle serait notre prochaine étape. Évidemment, il n’a pas manqué d’occasion pour nous présenter un « package » qui contient le transport du retour du mont Bromo et le bus pour Bali (Gilimanuk qui est le premier village après le ferry). Ras le bol des terminaux de bus qui ne sont pas clairs, on a accepté l’offre pour 250 000 roupies par personne y compris les frais afférents aux vélos. 

On était donc relativement sereins de notre choix. Mais les choses ne se passent pas comme on veut, encore une fois. Le bus pour Bali était en réalité s’arrête à Jember, une ville à mi chemin de Probolinggo et le ferry. Cela nous apprendra, la confiance n’y règne pas. On s’attendait à terminer Java en beauté, et voilà une grosse arnaque pour la route les amis !

Les "ok" vides de sens

Cette partie est en relation avec la précédente. Alors quand on était bien installés dans le bus (pour Bali mais finalement ce n’est pas le cas), le contrôleur a demandé à Jérôme où on voulait aller. Avec la carte de google maps sur son téléphone, il lui a montré notre destination. Il a répondu par « ok ok ». Je pense que c’est le mot le plus utilisé des Indonésiens. 

J’ai ensuite dit à Jérôme de ne pas trop se fier à ces « ok ». Mais dans tous les cas, est-ce qu’on a vraiment le choix, la réponse était non ! J’ai demandé à Jérôme de consulter google maps pour identifier Jember, ce qui est marqué sur le bus. Tout à coup, j’ai commencé à comprendre qu’on devrait galérer encore pour arriver jusqu’à Bali. J’avais raison, ils nous ont lâché en arrivant à Jember. L’essentiel était qu’on reste calme pour gérer la situation. Avec l’aide de deux personnes officiers de la station, on a pu montrer dans un autre bus en direction de Banyuwangi, se trouvant à 15 km du ferry. Et ce, on devait payer tout de même 150 000 roupies pour les vélos seulement, et c’était soi-disant gratuit pour nous les passagers. 

Dans certaines échoppes, le personnel a l’habitude de dire « ok » sans trop réfléchir. On s’est retrouvés parfois avec des choses qui ne nous convenaient pas. Enfin, ok mais pas du tout ok ! 

Les transports locaux, les lieux publics ou les fumoirs

Comme si les rejets carboniques ne suffisaient pas, il faillait que les Indonésiens (principalement les hommes) complètent la liste malsaine avec la fumée des cigarettes.

Ce récit ne suit pas l’ordre chronologique, donc permettez-moi de revenir à nos premiers jours à Jakarta. Lorsqu’on prenait notre petit-déjeuner dans la salle de l’hôtel, un local a commencé à fumer une clope. Pourtant, une petite affiche de « non-smoking » est bel et bien collée sur le mur de la salle. Jérôme a vu l’affiche, puis lui a gentiment montré l’affiche et de lui demander d’arrêter la cigarette . Il a répondu « can, can » puis continué sa clope. C’était vraiment super sympathique comme première impression.

Les jours passent, on a remarqué que les clopes étaient partout: dans les petits warungs du coin, dans les restaurants plus chics, dans les chambres d’hôtel (on est tombés quelques fois sur ces chambres puantes de relents de la fumée), dans les transports publics. Les deux fois où on prenait ces bus, c’étaient des vrais fumoirs ! Malgré toutes les photos d’horreur des poumons encrassés sur les paquets de cigarette, ils continuent à beaucoup fumer. D’autant plus que le gouvernement l’incite en mettant des mesures de restriction sur la cigarette électronique. 

Le dégoût des sites touristiques

Ce n’est pas anodin qu’on choisit le mode de voyage à vélo, ce qui nous permet dans la plupart de cas s’éloigner des lieux touristiques. En revanche, on a décidé de visiter les endroits phares de Java, tels que le complexe des temples hindouistes le plus grand de l’Asie du Sud-Est qui est Prambanan, le temple bouddhiste emblématique Borobudur et le volcan actif Bromo. En sachant à l’avance que ces sites font partie des sites les plus visités de l’Indonésie. On n’avait ainsi aucune attente. 

Ceci dit, grâce à Prambanan et Borobudur, on a enfin eu deux trajets à vélo les plus sympathiques depuis qu’on était sur l’île de Java ! En deux mots, la visite pour voir le lever du soleil à Borobudur est à bannir ! Aucun intérêt. C’est dommage qu’un lieu aussi sacré ne dégage pas d’un gramme de sérénité. C’était noir de monde. Et puis, c’était vraiment impossible de prendre quelques photos sans la tête des gens. Certains touristes étaient vraiment terribles avec les photos selfies ! Les perches à selfie devraient peut-être être interdites à ces endroits. 

Et à Bromo, victime de son succès, on a toutefois réussi à fuir les foules et les jeeps en marchant près de 25 km. De loin, on voyait les paysages majestueux des trois monts Bromo, Semeru et Tengger mais aussi les points de rassemblement de jeeps à côté. Cela casse un peu les paysages. Malgré tout, nous avons apprécié la randonnée où on était probablement les seuls et où on a fait une centaine de photos de montagne sous tous les angles. 

 

Les fleurs du mal

J’emprunt cet intitulé du recueil poétique baudelairien que j’aime beaucoup pour conclure ce récit. On est actuellement à Bali et c’est le jour et la nuit pour le moment. On verra comment se déroulent nos étapes. Mais pour l’instant on est très heureux. Plus d’angoisse, plus de stress, plus de problèmes physiques liés au stress. Seulement quelques petits kilomètres séparent les deux îles, on a l’impression d’être dans un autre monde. Le mal reste derrière nous, Bali nous accueille par une route tranquille bornée de fleurs de frangipaniers et de bougainvilliers. 

L’aventure continue…

Un commentaire sur “L’île de Java à vélo: bilan mitigé d’un mois difficile

  1. Merci pour la rédaction de cette expérience en bikepaking , nous avons un projet pour 2024 , je me garderai de planifier Java

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